Le grand retour de la chaux dans la construction

Riche d’une histoire de plus de 6000 ans, la chaux occupe une place à part parmi les matériaux de base destinés à la construction. Pendant cette longue période son usage courant a traversé toutes les cultures et les civilisations avant de s’effacer progressivement à partir de la seconde moitié du 19e siècle au profit du ciment, plus facile à produire. La chaux fut considérée ensuite et jusqu’à la fin du siècle dernier come un matériau traditionnel réservé principalement à la restauration des bâtiments de patrimoine.

Depuis une quinzaine d’années ses remarquables qualités constructives et environnementales ont été redécouvertes, lui conférant aujourd’hui le statut d’un matériau naturel, écologique, performant et polyvalent désormais incontournable en réhabilitation sur de l’ancien, pour les structures comme pour les finitions des bâtiments.

Principales caractéristiques applications et avantages… Voici quelques rappels utiles sur ce matériau à tout faire.

De l’origine naturelle à la transformation industrielle

Produit d’origine naturel et réputé abondant donc économique, la chaux est obtenue par la cuisson de calcaires plus ou moins siliceux à une température oscillant entre 800 et 1000°C.

C’est un matériau liant qui permet la prise et le durcissement de mélanges destinés aux travaux de construction et d’aménagement tels que les mortiers, bétons de chaux, revêtements de sol, enduits de finition…

Après extraction du calcaire, les pierres sont cuites dans des fours implantés généralement à proximité des carrières. A l’issue de cette opération de calcination on obtient de la chaux vive (CaO), caractérisée par fort dégagement de dioxyde de carbone (CO2). Excessivement corrosive, la chaux vive est ensuite « neutralisée » par un ajout d’eau permettant la formation de chaux hydratée appelée également chaux éteinte.

On notera que la chaux vive peut aussi être utilisée en l’état en milieu humide pour des travaux de fondations ou de soubassements de chemins, en raison de ses propriétés stabilisatrices et déshydratantes.

Pour l’histoire, sachez que la chaux était traditionnellement cuite à très haute température dans des fours spécifiques par des artisans appelés chaufourniers. En revanche dans les campagnes, c’est parfois dans des cavités aménagées à même la terre et faisant office que la chaux était cuite. Ces fours rudimentaires se situaient généralement à proximité des carrières d’extraction du calcaire et des chantiers de construction.

De nos jours la chaux est produite à l’échelle industrielle, mais il faut savoir que son usage dans le bâtiment reste encore très marginal (environ 3% de la production française), l’essentiel de la production étant destiné aux industries sidérurgique et chimique.

Aérienne ou hydraulique ?

On distingue 2 grandes catégories de chaux, selon que leur prise s'effectue sous l'action du gaz carbonique, de l'air (chaux aérienne) ou sous l'action de l'eau (chaux hydraulique).

  • La chaux aérienne est principalement utilisée dans les enduits de parement traditionnels, les mortiers de jointoiement et les badigeons au lait de chaux. Produite à base de calcaires très purs, sa prise est très lente et s’effectue exclusivement par carbonatation grâce au CO2 atmosphérique. Par réaction chimique, la chaux se retransforme et devient aussi résistante que la pierre naturelle. De couleur très blanche, la chaux aérienne se colore très facilement et se révèle idéale pour la réalisation d’enduits en couche mince.
  • Brune ou grise, la chaux hydraulique contient de l’argile ce qui lui confère des propriétés proches de celles du  ciment. Elle offre une plus grande polyvalence d’usage que la chaux aérienne grâce à un temps de prise plus  court dès qu’il y a contact avec de l’eau. C’est par phénomène de carbonatation que l’on obtient ensuite une  dureté et adhérence maximale. Plus résistante à la compression et à l’humidité, l’emploi de la chaux  hydraulique permet indifféremment la réalisation de travaux de maçonnerie en intérieur comme en extérieur,  avec une sensibilité moindre aux aléas de la météo.

Un matériau polyvalent aux qualités étonnantes

Moins performante que le ciment sur le plan structurel, la chaux est cependant plus économique et présente plusieurs qualités que le ciment et le béton armé n’ont pas.

C’est avant tout un matériau naturel, bon marché, peu transformé et sain, que l’on peut donc classer dans la famille des « éco matériaux ». Son bilan énergétique est plus favorable que celui du ciment.

On lui prête un pouvoir désinfectant, antiparasitaire qui lui a permis longtemps d’être utilisée pour éviter la propagation d’épidémies. C’est pourquoi on la recommande encore aujourd’hui pour purifier l’air des habitations anciennes, d’autant plus que la chaux ne génère aucun COV (Composés Organiques Volatiles).

Grâce à sa capacité de régulation hygrométrique, la chaux offre notamment une perméabilité permettant le transfert de la vapeur d’eau tout en évitant l’accumulation d’eau et d’humidité liée à la capillarité ou aux infiltrations. On qualifie ainsi ce matériau de « perspirant ».

Polyvalente de la structure aux finitions, elle peut être employée à toutes les étapes de la construction et autorise une grande variété de textures et de rendus décoratifs.

La chaux affiche également d’excellentes performances à la compression et une bonne résistance aux intempéries.

Sur chantier, sa mise en œuvre est facile car elle se rétracte peu et conserve de la souplesse même après l’opération de prise. Ainsi la chaux se révèle particulièrement indiquée pour les bâtiments dont la construction associe des matériaux hétérogènes, sans risque que des déformations modérées les fissurent.

Il convient cependant de se protéger de sa porosité et de ses propriétés corrosives qui rendent en principe incompatibles l’association de la chaux et de l’acier.

En fonction des proportions utilisées, la chaux grâce à son pouvoir isolant peut même contribuer au confort thermique et acoustique d’un bâtiment.

Chaux aérienne ou chaux hydraulique, pour quelles usages et comment l’utiliser ?

Le choix du type de chaux dépend en fait des contraintes subies lors des travaux et pendant la période d’usage du futur du bâtiment : milieu humide ou non, épaisseur de chaux mise en œuvre, matériaux en contact, vitesse de prise exigée, exposition à la chaleur…

  • La chaux aérienne est réputée exigeante pour ses conditions de mise en œuvre et de séchage. Il faudra éviter  notamment l’excès d’humidité ainsi que l’exposition directe au soleil ou au gel.

 Elle est préconisée pour les enduits de faible épaisseur (maximum 1 cm), les enduits intérieurs de finition et  les peintures nécessitant un temps de séchage supérieur à 2 semaines.

  • Plus polyvalente et offrant une meilleure résistance mécanique, la chaux hydraulique est  particulièrement indiquée pour la maçonnerie extérieure et les interventions en présence d’humidité  permanente : enduits de soubassements, pose de carrelage, réalisation de murs de structure ou de chapes…

 Mais son usage n’est pas réservé qu’à l’habitat ancien ou traditionnel. Dans un souci esthétique l’emploi de la  chaux hydraulique est tout aussi indiqué pour des constructions récentes, en ayant recours par exemple à des  enduits colorés, mais également pour la consolidation de briques ou de pierres.

Matériau de finition traditionnel mais trop longtemps oublié, la chaux offre aujourd’hui sans aucun doute les arguments d’un matériau moderne à se réapproprier d’urgence.